1787: Ouverture de la «Dienstenzinscassa»
Le développement des caisses d’épargne et des banques régionales en Suisse remonte au début du XIXe siècle et est lié au début de l’industrialisation et à l’expansion de l’économie monétaire. Épargner pour constituer un patrimoine est en grande partie encore inconnu jusqu’au 18e siècle dans les cercles les moins fortunés. Cette situation change avec les caisses d’épargne: avant l’ouverture de la «Dienstenzinscassa» à Berne en 1787, aucune institution financière acceptant et gérant les modestes économies du personnel de service, des artisans et ouvriers n’existait sur le territoire de la Confédération.
1812: Créations de caisses d’épargne
Au début, la création de caisses d’épargne est concentrée sur les villes. À partir de 1812, les caisses d’épargne essaiment dans les régions rurales, principalement de confession protestante. Initialement, les caisses d’épargne sont presque exclusivement ouvertes aux couches moins fortunées de la population.
1820: L’industrialisation signifie l’avènement des caisses d’épargne gérées à titre bénévole
La mécanisation de l’industrie textile amène la transformation de la soie et de la laine au bord du lac de Zurich (Wädenswil, Horgen, etc.), des filatures mécaniques dans la vallée de Glatt et d’autres régions du Mittelland et de la Suisse orientale. La machine de broderie à la main conquiert le pays d’Appenzell. Si les entrepreneurs en essor restent initialement autofinancés, la situation change vers 1820 avec la mécanisation finale de la filature. Les entrepreneurs ont désormais besoin de plus d’argent, le peuple recherchant une occasion d’investir ses maigres économies en toute sécurité. Ainsi, entre 1815 et 1840, 132 caisses d’épargne sont créées en Suisse, dont 106 dans les zones industrialisées des cantons d’Argovie, de Berne, de Zurich, d’Appenzell Rhodes-Extérieures et de Vaud. Les premières caisses d’épargne sont généralement gérées sur base volontaire, ce qui signifie que les coûts d’exploitation sont maintenus très bas. Ancrées pour la plupart dans leur propre commune, leur ville ou la préfecture environnante, voire le district à partir de 1831, leur orientation est strictement régionale. Des sociétés, associations ou communes à but non lucratif agissent en tant qu’organes responsables.
1850: La plus grande densité bancaire en Europe
À la fin des années 1840, une dépression met pour la première fois les caisses d’épargne au pied du mur, nombre d’entre elles étant contraintes de cesser toute activité.
En 1850, la Banque Leu, cinq banques cantonales, trois banques hypothécaires, douze banques locales et 150 banques d’épargne sont actives en Suisse, côtoyant plusieurs banques privées établies pour la plupart de longue date. Les 150 caisses d’épargne regroupent la moitié du total du bilan de toutes les banques et établissements financiers en Suisse. En termes de population, nous trouvons vers 1850 davantage de caisses d’épargne en Suisse que dans tout autre pays européen.
1860: Les caisses d’épargne se muent en établissements de crédit
Un changement de forme et de fonction du secteur des caisses d’épargne s’annonce dans les années 1860. Les caisses passent d’un contexte sociopolitique à un établissement de crédit multifonctionnel. Bien que les banques régionales et les caisses d’épargne aient fortement progressé depuis leur création, contribuant largement à la mise en place du système bancaire suisse, elles perdent progressivement de leur importance en tant que groupe bancaire à partir de 1860. La concurrence est vive de la part des banques cantonales et suite à la création de nombreuses banques locales (caisses Raiffeisen, entre autres) qui disposent, grâce à leur base en fonds propres plus importante, de davantage de liberté dans l’octroi de crédits, leur permettant ainsi de mieux répondre aux besoins croissants en crédit des entreprises de taille moyenne. Entre 1860 et 1880, de nombreux établissements de crédit locaux voient de plus le jour, adaptés aux besoins des artisans et de la classe moyenne selon la devise «Banque populaire contre banque patronale».
Fin du 19e siècle: Fusions
Une nouvelle vague de créations d’établissements est issue de regroupements d’établissements de crédit régionaux. La «Bank in Winterthur» est fondée en 1862, à l’origine pour gérer un entrepôt local dans la nouvelle jonction ferroviaire. Elle fusionne en 1912 avec la Toggenburger Bank pour former l’Union de banques suisses (UBS). La Banque populaire bernoise fondée en 1869 adopte dès 1880 la raison sociale de Banque Populaire Suisse et atteint de nouvelles dimensions. Les banquiers privés de Bâle, touchés par la montée en puissance de ce nouveau type de banque, se regroupent alors d’eux-mêmes. Ils le font d’abord sous le nom de Basler Bankverein (1872), puis, après une fusion avec d’autres établissements en 1895/96, prennent le nom de Société de Banque Suisse (SBS). C’est ainsi que se sont établies les plus grandes banques, visant à faire de la Suisse un centre international du commerce des capitaux pendant la Première Guerre mondiale et entre les deux guerres.
1907: Création de la BNS
Une banque centrale, dernier élément manquant du système bancaire suisse, reçoit une base légale en 1905 et voit le jour en 1907 sous le nom de Banque nationale suisse (BNS). La création de la BNS déclenche une première vague de concentration, l’introduction du monopole d’émission des billets de banque rendant superflues de nombreuses banques d’émission régionales. Globalement, le nombre de banques se réduit comme peau de chagrin de 458 à 371 durant la période de 1908 à 1920. Rien qu’entre 1910 et 1913, 45 banques locales et régionales subissent des pertes de 112 millions de francs, ce qui correspond au budget de la Confédération suisse de 1912.
1926: Boom suivi d’une crise économique mondiale
Les banques suisses connaissent un boom après la Première Guerre mondiale, entre 1926 et 1930. Au lendemain de la crise économique mondiale et de la crise suisse des années 30, presque toutes les banques sont confrontées à de grandes difficultés.
1960: Après la Deuxième Guerre mondiale: embellie conjoncturelle et boom de la construction
Les décennies suivant la Seconde Guerre mondiale sont marquées par la reprise économique générale, conjuguée à un boom de la construction. L’essor économique règne dans les années 1960 et les caisses d’épargne sont en mesure de démontrer leur maîtrise des opérations d’intérêts traditionnels avec des crédits hypothécaires et commerciaux ainsi que dans celui de l’épargne et des placements. Elles n’auront jamais été aussi proches de leurs clients, familiarisées qu’elles sont avec les conditions locales et les cycles économiques régionaux. Le boom prend fin avec la récession dans les années 1970.
1971: Création de l’Union de Banques Régionales et Caisse d’Epargne Suisses
La plupart des banques et des caisses d’épargne régionales se regroupent en 1971 pour former l’Union de Banques Régionales et Caisse d’Epargne Suisses, créant ainsi une organisation faîtière au niveau national.
1990: Bulle immobilière, crise des banques régionales et influence accrue de la CFB
Un regain de vigueur entraîne la surchauffe de l’économie à la fin des années 80, signifiant une forte hausse des prix de l’immobilier. Les opérations hypothécaires atteignent des sommets et sont considérées comme sûres par les établissements financiers. Contrairement à cette hypothèse, les prix de l’immobilier chutent fortement au début des années 90. Des banques implantées au niveau régional sont les plus touchées par l’effondrement général des prix. La Spar- und Leihkasse Thun est un exemple frappant de cette crise. Elle aussi avait mal évalué le risque d’avances sur immeubles. En raison de la correction de valeur drastique en résultant, les pertes dépassent les fonds propres de la Spar- und Leihkasse Thun.
La crise bancaire régionale laisse alors une trace indélébile dans le système bancaire suisse: entre 1990 et 1995, le nombre de banques opérant en Suisse passe de 625 à 413. La majeure partie du recul affecte les banques régionales et caisses d’épargne: sur environ 200 banques en 1990, un bon tiers disparaît en cinq ans, voire la moitié en dix ans. Quelques banques cantonales ont également besoin de soutien ou sont reprises. La crise immobilière et des banques régionale en Suisse entraîne une vague de consolidation au sein de celles-ci. La débâcle de la Spar- und Leihkasse Thun en 1991 engendre un processus d’assainissement à plusieurs niveaux au sein de la branche, auquel viennent s’ajouter d’autres incidents dramatiques dans des banques régionales et cantonales. Par exemple, dans l’intérêt de la protection des créanciers, les dispositions concernant l’établissement des comptes sont renforcées, les exigences en fonds propres accrues, l’influence de la Commission fédérale des banques (CFB) sur les organes de révision en ressortant améliorée.
1994: Fondation de la RBA-Holding, transfert de la fonction associative (1996)
En septembre 1994, 98 banques régionales et caisses d’épargne indépendantes fondent la RBA-Holding (aujourd’hui Entris Holding) en raison de la crise immobilière, de la réglementation plus stricte et des prix en hausse. L’Union créée en 1971 n’était plus en mesure de faire face aux nouveaux défis de l’organisation d’alors. Le réseau de sécurité et de solidarité prévu devait ramener la confiance de la clientèle. Ce propos réussira rapidement et durablement. En 1996, les fonctions associatives sont donc transférées à RBA.
2008: Crise financière et réglementation
Avec la crise financière qui éclate en Suisse en octobre 2008 lors de l’opération de sauvetage d’UBS, la densité réglementaire augmente sur le marché financier. Cela rend également plus hétérogènes les intérêts des différents types de banques. Outre l’Association suisse des banquiers, d’autres associations bancaires exercent de plus en plus la défense des intérêts. Les banques régionales se font entendre dans le cadre du RBA-Groupe (aujourd’hui le Groupe Entris).
2018: Nouvelle création de l’Association des banques régionales suisses (ABRS)
Avec la création de l’Association des banques régionales suisses le 14 mai 2018, une nouvelle entité prend en charge la représentation des intérêts des banques régionales sur la place financière suisse.
Aujourd’hui, 1/5 (22%) de toutes les banques en Suisse sont des banques régionales et des caisses d’épargne, qui emploient environ 3800 personnes (en équivalents temps plein). Leur part au total du bilan de toutes les banques en Suisse est légèrement inférieure à 4%.